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La confiance publique est une voie à double sens

Pour maintenir la confiance du public et s’assurer que nous continuons à suivre les mesures de santé publique nécessaires, le gouvernement du Québec doit faire confiance à la population avec des scénarios détaillés expliquant les futurs possibles…même s’ils sont incertains.

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Les points de presse quotidiens télévisés du gouvernement québécois depuis la mi-mars sont sans aucun doute un modèle de communication efficace en matière de santé publique. Cette stratégie de communication est très probablement l’une des principales raisons pour lesquelles la population québécoise a massivement suivi les conseils de santé publique pour modifier sensiblement ses habitudes (lavage régulier des mains, distanciation physique) et a accepté des contraintes sévères sur ses libertés individuelles (fermeture rapide de l’économie, confinement généralisé). Le premier ministre Legault, entouré d’experts et de ministres clés — Horacio Arruda, Danielle McCann, etc. — a présenté chaque jour des données pour expliquer les enjeux actuels dans notre société, les risques connus du COVID-19 et les mesures nécessaires pour protéger la santé publique. Ce faisant, le gouvernement a fait preuve d’un niveau de transparence louable et a reconnu la nécessité d’associer le public à une réponse collective à la pandémie. Chacun d’entre nous a été invité à assumer une partie de la responsabilité ; par nos gestes, nous participons à un effort collectif visant à « aplatir la courbe » et à minimiser ainsi le risque (et les préjudices) de surcharge du système de santé.

Mais le gouvernement du Québec a été réticent à présenter des modèles détaillés sur les risques du COVID-19 ou des scénarios clairs sur ce qu’il pense qu’il va se passer dans les mois à venir. Alors que d’autres provinces (par exemple, l’Ontario et la Colombie-Britannique) ont rapidement commencé à présenter des données et des modèles accessibles, ce n’est qu’après une pression importante du public et des médias que le gouvernement a suivi le mouvement. Et nous n’avons encore que les indices les plus vagues sur la planification d’un éventuel assouplissement du confinement.

Le problème de cette lenteur de réaction est qu’elle renforce une attitude paternaliste problématique qui maintient le public dans l’ignorance. La crainte, apparemment, est que le public soit incapable de comprendre la science et sauterait donc à des conclusions fausses, ferait des choix risqués et saperait alors la réponse de santé publique à la pandémie. La réticence à recommander le port universel de masques faciaux par la population (même lorsque les études commencent à montrer leur efficacité), apparemment due à la crainte que les gens cessent de s’éloigner physiquement et de se laver les mains, en est un bon exemple.

Pourtant, des décennies de recherche en sciences sociales ont démontré que le public n’est pas stupide. Lorsqu’il se voit présenter des résumés accessibles par les agences gouvernementales et les médias, même les personnes n’ayant qu’un minimum d’éducation formelle peuvent comprendre des informations relativement complexes sur les risques, évaluer différents scénarios et faire des choix éclairés.

L’un des défis auxquels sont confrontés de nombreux citoyens dans la crise actuelle, et une cause probable de beaucoup de stress et de fatigue, est le deuil de la perte d’un avenir prévisible. Quand et comment nos enfants retourneront-ils à l’école? Quand l’économie s’ouvrira-t-elle, et nos emplois seront-ils toujours là? Pouvons-nous partir en vacances cet été? Que se passera-t-il à l’automne? Nous vivons actuellement dans une incertitude sans précédent, ce qui est incroyablement déstabilisant. Des prévisions fiables de ce à quoi l’avenir pourrait ressembler, des scénarios – même imparfaits –, sont alors essentiels.

Pour que le public continue à accepter et à suivre les exigences très contraignantes qui ont été imposées à juste titre, il doit continuer à faire confiance au gouvernement et aux acteurs de la santé publique. Cette confiance, le gouvernement du Québec l’a clairement gagnée par ses actions et ses points de presse quotidiens ; mais elle doit être maintenue et renforcée.

Le public doit être respecté. Nous sommes capables de comprendre des informations complexes et jouer nos rôles dans la réponse collective à la pandémie. Le gouvernement devrait alors partager des informations, pas seulement sur la situation actuelle, mais aussi sur les scenarios possibles de l’avenir proche. On peut faire confiance aux citoyens, même lorsque ces scénarios sont incertains.

Par Bryn Williams-Jones et Vardit Ravitsky