Colloque « Les impasses de la mémoire : se souvenir et après ? »

Colloque annuel 2004-2005 du Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités (CIRCEM)Depuis une trentaine d’années, le thème de la mémoire a envahi le champ des sciences humaines. De mal-aimée et suspecte qu’elle était, la mémoire est devenue le lieu de passage obligé de réflexions majeures en sciences humaines. On pourrait dire, sans crainte d’exagérer, qu’il y a eu un « moment mémoire » qui a pris d’abord son envol dans l’historiographie pour s’étendre graduellement à d’autres disciplines (philosophie, sociologie, études littéraires, etc.) Le temps est venu de tenter de faire un bilan de ce moment mémoire. Le temps est venu, car le paradigme de la mémoire semble s’épuiser de plus en plus sous la pression des ambivalences conceptuelles dont il était chargé depuis son origine. Ces ambivalences lui furent un temps pardonnées, car la mémoire venait combler un vide que nous ressentons tous vivement. La mémoire fut en effet la réponse partielle et maladroite à la crise de l’avenir qui a secoué et qui secoue encore les sciences sociales. Le moment mémoire est venu se glisser à la place laissée vacante par l’utopie et elle en a rempli comme à son corps défendant la fonction. C’est pourquoi le moment mémoire, par delà le défi épistémologique et méthodologique qu’il pose, est une manifestation typiquement fin de siècle et doit être analysé comme un symptôme d’époque. En jetant un regard rétrospectif sur ce moment, on fait plus que retracer le étapes d’une mode intellectuelle. On dévoile ce qu’il en est de l’être humain au temps présent.

On aura compris que le bilan que nous désirons tirer du moment mémoire n’est pas dénué d’esprit critique. Il est guidé par un vif sentiment de malaise à l’égard de son ambiguà¯té intrinsèque. Le moment mémoire ne fut-il qu’un moment passager avant que l’histoire ne se remette en marche, ou bien est-il la manifestation d’une sorte de transformation de la condition historique, de ce que nous oserions qualifier d’avènement de l’humanité post-historique? Autrement dit, le moment mémoire est-il derrière nous, ou bien va-t-il se répéter en écho comme la vérité profonde de notre temps? Nous n’avons pas la prétention à travers ce colloque de répondre à une si vaste question. Nous voulons tout simplement essayer de la dégager dans toute sa clarté. C’est pourquoi nous avons décidé d’aborder le moment mémoire dans un esprit critique. De là , le parti pris, peut-être exagérément polémique, qui se lit dans le titre général. Ce sont les impasses actuelles du moment mémoire qui nous intéressent. Il nous semble pouvoir deviner ces impasses dans les quatre axes autour desquels ce colloque s’articule : mémoire et sciences historiques, mémoire et politique, mémoire et religion, et enfin mémoire et filiation. Une question centrale guidera chacun de ateliers. Cette question est délibérément provocatrice et vise à ouvrir un débat plutôt qu’à le clore. Nous ne voulons surtout par préjuger du résultat final de l’enquête et nous sommes ouverts à la possibilité que les impasses soient plutôt des passages. Des passages vers quoi? Se souvenir, et après? Voilà pour nous la question.

Organisateurs :

E.-Martin Meunier, sociologie, Université d’Ottawa

Joseph Yvon Thériault, sociologie, directeur du CIRCEM, Université d’Ottawa