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Appel à contribution

Pour célébrer ses 15 ans (1999-2014), la Chaire d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke organise un colloque international intitulé Corruption, conflits d’intérêts, copinage : que peut l’éthique devant nos problèmes actuels?

Comment favoriser l’intégration du souci éthique par les acteurs publics ? Les scandales politiques et économiques actuels ainsi que leurs impacts sur la confiance des citoyens et la vitalité de la démocratie montrent que cette tâche est nécessaire et urgente, mais aussi difficile. Une des ambitions de l’éthique a longtemps été de proposer un lieu de réflexion et un passage obligé pour redonner sens à la gestion, la gouvernance et la vie sociale et politique. Cependant, au vu de la persistance de problèmes comme la corruption, la collusion, les conflits d’intérêts, le copinage et la prévarication, nous sommes conduits à nous interroger : que peut vraiment l’éthique ? Peut-elle être un vecteur pertinent de transformation sociale ? À quelles conditions et par quels moyens ? Le contexte d’exercice de l’éthique a également changé, car son propre succès depuis quinze ans, au Québec du moins, non seulement fait peser sur elle des attentes plus élevées, mais la laisse aussi en proie à une instrumentalisation sociale croissante. Comment peut-elle prétendre transformer ce milieu qui la transforme en retour ? Pour répondre au mieux à des questions de ce genre, il est nécessaire de passer au crible la situation actuelle de l’éthique et de dépasser les idées reçues à son sujet.

Par exemple, l’éthique serait créatrice de sens, et on l’oppose ainsi à la morale qui serait l’instance des interdits ; or le terme ‘éthique’ revenu en vogue dans le discours public ne désigne semble-t-il que cela. De même, l’éthique est fréquemment comprise, en termes sociologiques, comme mode de régulation sociale autonome, suppléant les insuffisances de l’État et du droit ; mais les phénomènes de corruption et de collusion montrent peut-être justement les limites des approches autorégulatrices. De plus, dans le domaine social et politique, l’éthique est souvent identifiée à la promotion du dialogue en vue d’un ‘vivre-ensemble’ harmonieux ; or cette idée semble ne viser que les dispositions des citoyens et négliger les dispositifs institutionnels. Enfin, envisagée comme discipline cette fois, l’éthique se considère souvent comme enquête, au plus près des particularités des cas ou du terrain ; en quoi diffère-t-elle alors d’autres approches du même genre en sciences humaines et sociales ? Quelle est sa spécificité méthodologique et épistémologique ? Inscrite dans cette réalité sociale qui serait à transformer, l’éthique ne devrait-elle pas se transformer elle-même, et se penser à neuf, selon de nouvelles avenues ?

Ces interrogations témoignent du travail effectué par la Chaire d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke qui célèbrera son 15e anniversaire en 2014. Le présent colloque international vise à rassembler des acteurs et des penseurs de différents horizons et à leur fournir une occasion de réfléchir en profondeur et concrètement à des questions de ce genre. Pour cela l’interrogation sera ici poursuivie selon trois angles ou trois axes privilégiés. I) Tout d’abord, l’éthique sera envisagée dans son face à face avec les problèmes publics devenus aigus de corruption, de népotisme et de prévarication, même si nos sociétés en connaissent bien d’autres. II) Ensuite, nous concentrerons l’examen de ses capacités de transformation sociale en interrogeant deux de ses principales modalités d’action, soit l’intervention en éthique et les activités de formation des acteurs. III) Enfin, l’interrogation portera sur l’éthique comme discipline académique et comme discours social, selon ce qui la caractériserait théoriquement, à titre de méthode et de savoir spécifiques. Le colloque occupera trois journées entières, les 21, 22 et 23 mai 2014, afin de donner amplement le temps de discuter les questions propres à chacun des axes.

JOUR 1 : CORRUPTION, NÉPOTISME, COMME PROBLÈMES DE GOUVERNANCE

La collusion, les conflits d’intérêts et autres phénomènes du même genre sont susceptibles de nombreux diagnostics. D’un côté, il y a ceux pour qui ils incarnent notre perte de sens moral, alors que pour d’autres, ils renvoient à l’insuffisance des appareils ou dispositifs légaux et normatifs régulateurs des conduites. Au-delà de ces deux lectures, tous conviennent que la multiplication de ces problèmes doit nous inciter à rechercher de nouvelles manières d’en faire l’analyse et de proposer des correctifs. Ces conduites sont-elles une manière de répondre ou de s’adapter à une nouvelle configuration sociale, marquée par les impératifs économiques en contexte de dérégulation? Ou sont-elles plutôt le symptôme d’une dérive de systèmes complexes devenus leur propre mesure, rendant difficiles de penser l’ensemble du social, son orientation et celle des acteurs ? Quelles sont donc, en d’autres termes, les causes, les enjeux et les voies de solution éthiques de ces phénomènes qu’on ne peut désormais plus considérer accessoires ou périphériques ? Il est important de commencer à répondre à ces questions avant de prétendre intervenir et théoriser en éthique, puisque de ces réponses découlera la posture qu’adoptera l’éthicien, de même que le type d’intervention qui sera privilégié.

JOUR 2 : COMMENT INTERVENIR  ET FORMER FACE À CES PROBLÈMES ?

Face à ces problèmes de corruption et de conflits d’intérêts, les propositions d’intervention et de formation en éthique ont proliféré ; mais quels types de transformations apportent-elles, et sont-elles pertinentes ? Les interventions se répartissent en deux grandes tendances : celles renforçant des dispositifs régulateurs, pour en informer ensuite les acteurs, et celles favorisant l’autonomie de jugement des acteurs, souvent pour pallier aux dysfonctionnements de ces dispositifs. Ces deux tendances en apparence opposées peuvent-elles collaborer dans un même projet d’‘infrastructure éthique’ ? Dans ce contexte, les demandes de formation en éthique proviennent aussi bien des titulaires de charges publiques, des professionnels que des citoyens, et les manières de les former au sein d’espaces de formation publics (les universités), semi-publics ou privés sont nombreuses. Mais former et se former en éthique implique-t-il l’adhésion à un nouvel univers normatif, ou suppose-t-il plutôt le développement d’une ‘compétence éthique’ propre à transformer cet univers normatif ? On peut également interroger la portée sociale et politique de la formation à cette compétence éthique : devrait-on parler de formation citoyenne et d’une capacité à exercer un jugement politique, afin de naviguer dans ces milieux normatifs et axiologiques complexes et hétérogènes ? L’intervenant et le formateur, enfin, doivent-ils s’effacer une fois la tâche accomplie, ou devraient-ils assurer un suivi ?

JOUR 3 : THÉORISER EN ÉTHIQUE : POURQUOI FAIRE ?

Toutes ces approches et tous ces diagnostics sont reliés aux manières de concevoir l’éthique et aux activités de recherche les concernant. Mais comment comprendre la recherche en éthique : est-ce une démarche théorique et de quel genre, explicative, à partir d’une posture classique de surplomb, ou interprétative, ou pragmatiste, davantage dans l’action ? Si on la comprend en lien étroit avec les pratiques elles-mêmes, prend-elle les couleurs de la recherche-action ? Et si elle s’identifie avec l’effort du ‘praticien réflexif’, est-elle encore une recherche productrice d’un savoir ? Dans l’un ou l’autre cas, l’inscription ou le lieu institutionnel de ces savoirs pourra être différent : départements universitaires, chaires de recherche et d’intervention répondant à des contrats, ou lieux mêmes de l’intervention et de la formation, c’est-à-dire des organisations publiques ou privées, des ordres professionnels, etc. Dans ce dernier cas de figure, on cherchera à préciser la posture du chercheur, de l’intervenant et du formateur, et surtout le déplacement épistémologique et méthodologique requis, non seulement parce que l’interdisciplinarité lui paraît nécessaire, mais parce que cela conduit à interroger en retour le besoin de théoriser et le statut des savoirs. L’expérience et l’expérimentation occupant en éthique une place de choix, il s’agirait d’intégrer dans une même démarche les pratiques transformatrices et les activités de théorisations : transdisciplinarité ?

Nous invitons toutes les personnes intéressées à intervenir au colloque en éthique appliquée à soumettre une proposition de communication par courrier électronique à Louise Campeau (Louise.Campeau@USherbrooke.ca) au plus tard le 30 janvier 2014.

Format des propositions

  • La durée des communications est de 30 minutes (elles seront suivies d’une période de discussion d’environ 15 minutes)
  • Les résumés doivent compter 1000 mots (excluant les références bibliographiques)
  • Tous les résumés doivent être remis en deux versions (une version anonymisée et une version précisant le nom et l’affiliation de l’auteur)
  • La langue du colloque sera le français

Comité scientifique

  • André Lacroix, titulaire de la Chaire d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke et professeur titulaire au département de philosophie et d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke
  • Alain Létourneau, professeur titulaire au département de philosophie et d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke
  • André Duhamel, professeur agrégé au département de philosophie et d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke
  • Allison Marchildon, professeure adjointe au département de philosophie et d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke
  • Richard Linteau, chargé de cours et intervenant en éthique appliquée

Dates à retenir

Soumission d’une proposition de communication 30 janvier 2014
Confirmation des propositions par le comité scientifique 28 février 2014
Tenue du colloque 21, 22 et 23 mai 2014