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Les instruments de la justice fiscale

Appel à contributions | Revue Éthique publique

Les instruments de la justice fiscale

Coordination: Pierre-Yves Néron (European School of Political and Social Sciences, Université catholique de Lille) py.neron@gmail.com et Patrick Turmel (Faculté de philosophie, Université Laval) patrick.turmel@fp.ulaval.ca.

Parution prévue (en ligne seulement, en libre accès immédiat) : novembre 2019

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Conditions de soumission

Date limite pour soumettre un résumé de 250 mots : 15 décembre 2018
Évaluation par les responsables du numéro et réponse aux auteurs : mi-janvier 2019 Date limite pour remettre la version complète du texte : 30 avril 2019
Réception des versions définitives (après évaluation) : 31 août 2019

Argument

Plusieurs rapports publiés dans les dernières années présentent un tableau inquiétant de l’ampleur et de la croissance des inégalités sociales et économiques. Des organisations comme l’OCDE, le FMI et OXFAM ont tiré l’alarme et nous ont mis en garde contre les risques associés aux disparités de revenus – croissantes dans la plupart des sociétés. En effet, ces inégalités ne sont pas sans conséquence. Elles menacent non seulement la stabilité sociale et les progrès démocratiques, mais également l’efficacité et la croissance économiques.

Cette inquiétude appelle à une correction de la situation, et la fiscalité représente l’outil principal dont disposent les sociétés démocratiques pour y parvenir. Ce numéro vise ainsi d’abord à explorer les possibilités qu’offrent les différents instruments de la politique fiscale pour faire face au creusement des inégalités.

À cette fin, nous invitons les contributions qui portent sur ces instruments, leurs modalités et leur faisabilité. Cela peut concerner l’impôt progressif, ses justifications et ses réformes, les débats autour de l’impôt sur les successions, la nécessité ou la réalisabilité d’un impôt sur le capital, ou porter encore sur toute autre forme d’impôt sur la richesse, inédite ou non. Cela peut aussi toucher des outils fiscaux qui visent plutôt à corriger d’autres formes d’inégalités sociales, de genre ou de reconnaissance. Nous pouvons par exemple penser à la question de l’individualisation des revenus, qui touche directement au problème d’inégalité de genre.

De nouvelles avancées technologies, touchant le numérique, la robotique et l’intelligence artificielle, soulèvent aussi des questions inédites pour la justice fiscale et pourraient exiger la mise en place de nouveaux outils pour y répondre. Par exemple, par rapport aux menaces de pertes d’emploi que fait peser la robotisation, devrions-nous, comme certains le suggèrent, mettre en place une taxe robot ? Quelle forme devrait prendre une telle taxe ? Qui devrait la payer ? Une riche littérature se développe également sur la question de la production de données comme travail (data as labor). Qu’en est-il de la valeur économique des données ? Quelles sont les implications du point de vue de la fiscalité ? Ainsi, certains considèrent que certaines firmes exploitent le manque de compréhension du public et profitent sans contrepartie de données générées par les utilisateurs. Est-ce que les profits qui dépendent de ces revenus ne devraient pas être mieux partagés entre ces différents producteurs ? Sous quelles modalités ? Cela pose, plus généralement, la question du traitement fiscal à réserver aux entreprises de l’économie numérique, mais également la question de la taxation du commerce en ligne.

La perspective même d’une justice fiscale est aujourd’hui assombrie par nombre d’obstacles, qui appellent également à une réflexion d’éthique publique. Si le système fiscal détermine en partie la distribution des revenus et de la richesse, il est par le fait même l’une des principales sources potentielles d’injustice. Car si l’impôt peut servir à corriger les injustices, c’est aussi en bonne partie par les politiques fiscales que les inégalités se creusent. Le fait de la concurrence fiscale – qui profite de l’asymétrie entre une économie mondialisée et un cadre politique encore largement stato-centré – présente aussi un obstacle important à la réalisation de la justice fiscale. Dans le contexte de cette asymétrie, il y a un fort incitatif pour les individus et les entreprises (qui ont la possibilité, légale ou non, de le faire) de transférer leur capital vers des régimes fiscaux plus cléments. En retour, évidemment, l’incitatif auquel fait face un État particulier est de répondre à cette demande en diminuant ses taux d’imposition, mais aussi en assouplissant sa réglementation. Nous encourageons donc également les contributions qui font l’examen des obstacles à la réalisation de la justice fiscale. Il peut s’agir de ce problème de la concurrence fiscale, comme du problème de l’évasion fiscale ou encore des enjeux de discrimination induite par les régimes fiscaux.

Tout cela ne devrait toutefois pas nous faire oublier la dimension coercitive de la fiscalité : en principe, les citoyens n’ont d’autre choix que de contribuer. En régime démocratique libéral, ce genre d’obligation, afin d’être légitime, appelle une justification. Or si l’impôt peut se justifier par la nécessité de financer les institutions dont la finalitéest de maintenir l’ordre public, d’assurer l’existence d’une économie de marché, ou encore de protéger les libertés individuelles, il n’est pas certain que des impératifs éthiques puissent justifier la mise en place de taux supérieurs élevés, voire confiscatoires, afin d’assurer une redistribution de la richesse. Dans la même veine, il ne faudrait pas non plus ignorer le sujet de la « fiscalité cachée ». Pensons par exemple à la tarification de services publics, qui peut être parfois plus élevée que ce que représentent les coûts de production ou de prestation. Dans ce contexte, ce numéro accueillera aussi volontiers les perspectives plus critiques sur la fiscalité comme outil de justice sociale.

Parmi les thèmes qui pourraient être discutés selon ces différents axes (liste non exhaustive) : 

1. Repenser les instruments traditionnels de la justice fiscale

  • Devrait-on (et est-il possible aujourd’hui de) revenir à une plus grande progressivité de l’impôt ?
  • Doit-on conserver, voire augmenter l’impôt sur les successions ?
  • Devrait-on imposer le capital ou le patrimoine des individus ?
  • Devrait-on imposer davantage les entreprises? Quelles sont les justifications légitimes à une imposition asymétrique entre les particuliers et les entreprises ?
  • Devrions-nous recourir à la fiscalité incitative pour améliorer le bien-être des individus et la santé publique ? pour protéger les ressources naturelles ? pour faire face à la crise environnementale ?2. La justice fiscale et les nouvelles technologies
  • Faut-il taxer le travail des robots ? Quels robots? Sous quelles conditions et de quelle façon ?
  • Doit-on considérer la production de données en ligne comme du travail ? Si oui, quelles sont les implications d’une telle thèse, notamment du point de vue del’imposition des grandes firmes qui exploitent ce travail ?
  • Quelles sont, plus largement, les implications des développements de l’intelligence artificielle et du numérique pour la fiscalité ?
  • Quel traitement fiscal réservé aux entreprises de la nouvelle économie ? Qu’en est-il de la taxation du commerce en ligne ?
  • 3. Les obstacles à la justice fiscale
  • Comment faire face au problème de la concurrence fiscale ?
  • Comment combattre l’évasion fiscale et les formes illégitimes d’évitement fiscal ?
  • D’ailleurs, y a-t-il une distinction à faire entre des formes légitimes et des formes illégitimes d’évitement fiscal ?
  • Peut-on parler « d’obstacles démocratiques » à la justice fiscale ? Celle-ci est-elle menacée par le populisme ? Par l’individualisme croissant ?
  • Quelles sont les pratiques fiscales discriminatoires? Par exemple, doit-on individualiser l’impôt sur le revenu ?4. Les critiques de la justice fiscale
  • À quel moment la fiscalité est-elle contraire à la justice fiscale ?
  • Quels arguments peut-on invoquer contre la fiscalité à des fins de redistribution ?
  • Que gagne-t-on à considérer la fiscalité sous l’angle de la spoliation, du travail forcé ou encore des « technologies disciplinaires » ?
  • Quel sens doit-on donner à diverses formes de « révoltes fiscales » ?

Démarche qualité de la Revue

Avant publication, tout article fait obligatoirement l’objet d’une double évaluation par les pairs, lesquels évaluent son acceptabilité́. En cas de controverse sur un article ou sur une partie d’un article, l’auteur est avisé et est invité à modifier son texte à la lumière des commentaires des évaluateurs. Le Comité de direction de la Revue peut refuser un article s’il ne répond pas aux normes de la publication scientifique ou s’il n’est pas lié à la thématique choisie.

Modalités de soumission

Les chercheurs désireux de publier un article doivent faire parvenir une proposition d’article aux responsables scientifiques du numéro (adresses ci-dessus). Les propositions d’article doivent compter environ 250 mots.

Le Comité de direction de la Revue fera part de sa décision dans les quinze jours suivant la date limite de remise des propositions. Les auteurs dont la proposition aura été́ retenue pourront envoyer leur article complet.

Les articles doivent compter un maximum de 40 000 caractères et inclure un résumé (en français et en anglais) d’environ 120 mots, de même qu’une bibliographie complète (n’excédant pas trois pages).

Les articles complets remis seront ensuite soumis à une double évaluation par les pairs (le processus est anonyme). Après évaluation, des modifications peuvent être demandées aux auteurs si l’article est accepté́.

Les propositions de soumission, sous forme de résumés de 250 mots, doivent être envoyées à: py.neron@gmail.com patrick.turmel@fp.ulaval.ca et ethiquepublique@enap.ca

Zone contenant les pièces jointes