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Marcelo Otero (UQÀM)

Dans le cadre du Colloque 2016 du Laboratoire étudiant interuniversitaire en philosophie des science (LEIPS), Marcelo Otero (Uqam) offrira une conférence plénière intitulée « Psychiatrie et sociologie : le dialogue est-il possible ? » à 11h10 am.

Tout comme un cerveau dans un bocal n’est pas un être humain, nul déprimé, psychotique ou psychopathe n’existent «en soi», et ce, peu importe les avancées des neurosciences, car une dimension de ce qui est problématisé par la psychiatrie, la psychologie et la médecine leur échappe et leur échappera toujours. En effet, la nature « problématique » d’un comportement social codé comme problème de santé mentale est une dimension « opaque » pour la psychiatrie, en ce sens qu’aucun psychiatre ne peut (pas plus qu’il n’en a d’ailleurs besoin) expliquer pourquoi le fait d’avoir des pensées suicidaires, de désirer s’engager dans des rapports sexuels avec les morts ou de ne pas éprouver de la culpabilité après avoir commis un meurtre est socialement problématique. C’est la société qui le fait à sa place et lui impose, normativement parlant, cette dimension. 12 En revanche, la nature proprement « pathologique » d’un comportement social codé comme problème de santé mentale constitue la dimension « spécifique » que la psychiatrie discute, définit, explique et mesure. Les techniques scientifiques qui se consacrent à cerner le « mental pathologique » (nosologie, nosographie, étiologie, pathogénie, génétique, etc.) permettent d’une certaine façon de trouver un terrain à la fois ontologique (cerveau, neurotransmetteurs, gènes, etc.) et symbolique (humeurs, stresseurs, déclencheurs, personnalités, etc.) où l’on peut maîtriser le phénomène étudié, défini comme problème de santé mentale, en se concentrant sur certaines dimensions plutôt que d’autres. Ainsi, l’incongru social, l’incompréhensible, l’inexplicable (délires, pensées suicidaires, certaines formes de violence, désirs sexuels inhabituels, peurs sans motifs apparents, comportements alimentaires étranges, etc.) deviennent significatifs, mesurables, intelligibles mais sans que le flou entre « déviance » (normativité) et « pathologie » (affection médicale) ne soit dissipé. Si on accepte qu’il n’y a pas de « folie » sans société, la psychiatrie et la sociologie sont condamnées à dialoguer ne serait-ce que par la consistance empirique de leurs objets biopsychosociaux. Le psychologisme et le sociologisme sous leurs diverses formes ont largement montré être, on nous permettra cette boutade, des pathologies épistémologiques équivalentes. Comment sortir de ces impasses disciplinaires ?