Fear in the time of the Covid-19 pandemic / La peur au temps de la pandémie de Covid-19
Abstract
What should we think of the current pandemic of fear? I argue that the fear we experience need not be irrational. On the contrary, many current facts warrant fear. Moreover, experiencing this emotion might be a good thing, for it can help us focus our attention on what matters as well as drive us to action.
Résumé (version français plus bas)
Que penser de la pandémie de peur que nous vivons actuellement? Je soutiens que la peur que nous éprouvons n’est pas nécessairement irrationnelle. Au contraire, nous avons de bonne raison d’en ressentir. De plus, cette émotion peut être une bonne chose, car elle peut nous aider à focaliser notre attention sur ce qui compte et nous pousser à l’action.
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Polls suggests that negative emotions such as anxiety and fear are escalating worldwide and there is talk of a pandemic of fear. Indeed, anxiety and fear are spreading at a rate that may seem out of proportion with the danger involved in the current pandemic. As a recent title “SARS-CoV-2: fear versus data” bluntly suggests, the current fear might seem nothing but irrational. Put differently, our fear would not be grounded in facts and it would fail to match reality. According to the author of that paper, “the problem of SARS-CoV-2 is probably being overestimated, as 2.6 million people die of respiratory infections each year compared with less than 4000 deaths for SARS-CoV-2 at the time of writing.” (Roussell et al. 2020) A trifle, to put it differently. Given this, we should better stop feeling fear, supposing that this was a feasible option. Obviously, current numbers are quite different: 42,032 deaths worldwide on March 31, 2020, according to the John Hopkins COVID-19 Resource Center. But even so, it might seem that compared to the 2.6 million deaths due to respiratory infections, not to mention other causes of deaths, our fear remains misplaced.
Is the fear we experience regarding the pandemic irrational? Should we opt for facts instead of fear? A first point to stress is that it is hugely misleading to oppose fear and data or fact. Indeed, it is not quite clear in what sense fear and facts are supposed to be in opposition. What is clear is that fear can be irrational and misadjusted, and it can lead us to stupid action, such as buying tons of toilet paper. However, fear need not be irrational. As emotions theorists recognize, fear is a natural response to threats, which can be well-adjusted and useful. One that makes it easier to adapt one’s actions to dangerous situations by focussing our attention and energy on the threat.
The main point in my mind is that many aspects of the pandemic clearly warrant fear. Maybe up to now, the death rate is not impressive, and maybe most of us will survive the pandemic. However, even if most of us do not fear for our own lives, we are all beginning to fear for the lives of some elderly relative. Moreover, recent data suggests that the virus would have infected 90% of the world’s population and killed 40.6 million people if no mitigation measures had been taken to combat the pandemic (Nature, March 27, 2020). That is far from a trifle.
Maybe it is not rational to fear this outcome; maybe we should even feel relief, since many countries have taken strong mitigation measures. Québec and Canada certainly did. Unfortunately, not all countries have the will or the means to take such measures. Consider Haiti or the Gaza strip. There is no way they can control the pandemic by social distancing measures, etc. and there is no way they can provide care to infected patients. In these parts of the world, the virus will spread unhampered, something that is bound to happen in other places, such as refugee camps. This clearly warrants fear.
Another important aspect of the pandemic that warrants fear is the worldwide economic recession that will result. With the massive layoffs and the expected bankruptcies, the future looks grim. Again, some countries will do better compared to others but the uncertainty concerning the future is ground for anxiety and fear even in the well-off parts of the world.
The current facts warrant fear. The question that arises is whether we should be afraid of this fear. Not necessarily. For fear need not be panic. It need not trigger irrational behaviour. On the contrary, fear helps us to focus our attention on the threat and it spurs us to action. This is a time for action and initiative, as well as for solidarity, and fear can well be an ally and not enemy to help dealing with the current threat to humanity. In the hope that we can avoid the worst outcome.
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Les sondages suggèrent que les émotions négatives telles que l’anxiété et la peur augmentent dans le monde entier. Il est même question d’une « pandémie de peur ». L’anxiété et la peur se propagent à un rythme qui peut sembler hors de proportion par rapport au danger que représente la pandémie actuelle. Comme le suggère un titre récent « SRAS-CoV-2: peur contre données », la peur actuelle peut sembler irrationnelle. Ce qu’on laisse entendre, c’est que notre peur ne serait pas fondée sur des faits et serait déconnectée de la réalité. Selon les auteurs de ce document, « le problème du SRAS-CoV-2 est probablement surestimé, car 2,6 millions de personnes meurent d’infections respiratoires chaque année, contre moins de 4000 décès pour le SRAS-CoV-2 au moment de la rédaction du présent document. » (Roussell et al.2020) Une bagatelle, pour le dire différemment. Compte tenu de cela, nous devrions cesser de ressentir de la peur, en supposant qu’une telle chose soit possible. De toute évidence, les chiffres changent rapidement et ils sont maintenant très différents: 42 032 décès dans le monde au 31 mars 2020, selon le John Hopkins COVID-19 Resource Center. Mais même là, on pourrait soutenir que, par rapport aux 2,6 millions de décès dus aux infections respiratoires, sans parler des autres causes de décès, notre peur est toujours disproportionnée.
Est-il bien vrai que la peur que nous éprouvons face à la pandémie est irrationnelle? Faut-il opter pour des faits au lieu de la peur? Remarquons d’abord qu’il est extrêmement trompeur de tenter ainsi une opposition entre la peur, d’une part, et les données ou les faits, d’autre part. En effet, on voit mal quel sens une telle opposition peut avoir. Ce qui est évident, c’est que la peur peut, dans certains cas, être irrationnelle et mal ajustée. La peur peut nous conduire à des actions insensées, comme acheter des tonnes de papier hygiénique. Cependant, cette émotion est loin d’être toujours irrationnelle. Comme le reconnaissent les théoriciens des émotions, la peur est une réponse naturelle aux menaces, et elle peut être autant proportionnelle qu’utile : elle peut être une réponse qui facilite l’adaptation de ses actions aux situations dangereuses en dirigeant notre attention et notre énergie vers la menace.
L’important, à mes yeux, est de reconnaître que de nombreux aspects de la pandémie justifient la peur. Peut-être que le taux de mortalité n’est pas encore très impressionnant. Certes, la plupart d’entre nous survivront le plus probablement à la pandémie. Cependant, même si la plupart d’entre nous ne craignent pas pour leur propre vie, nous commençons tous à craindre pour la vie d’un parent âgé. De plus, des données récentes suggèrent que le virus aurait infecté 90% de la population mondiale et tué 40,6 millions de personnes si aucune mesure d’atténuation n’avait été prise pour lutter contre la pandémie (Nature, 27 mars 2020). C’est loin d’être une bagatelle.
Il n’est peut-être pas rationnel de ressentir de la peur à l’idée de ce fait; certains penseront qu’on devrait plutôt même ressentir du soulagement puisque de nombreux pays ont adopté d’importantes mesures d’atténuation. Le Québec et le Canada en sont certainement des exemples. Malheureusement, tous les pays n’ont pas la volonté ou les moyens de prendre de telles mesures. Pensons à Haïti ou à la bande de Gaza. Leurs gouvernements n’ont pas les moyens de contrôler la pandémie par des mesures de distanciation sociale ou autres, et ils ne peuvent fournir les soins nécessaires aux patients infectés. Dans ces parties du monde, le virus se propage sans entrave, ce qui est susceptible de se produire dans d’autres endroits, tels que les camps de réfugiés. Nous avons définitivement de bonnes raisons d’avoir peur de cela.
Un autre aspect important de la pandémie qui mérite d’être craint est la récession économique mondiale qui en résultera très probablement. Avec les licenciements massifs et les faillites auxquelles on peut s’attendre, l’avenir s’annonce sombre. Encore une fois, certains pays feront mieux que d’autres, mais l’incertitude concernant l’avenir est un réel motif d’inquiétude et de peur, même dans les parties aisées du monde.
Les faits actuels justifient la peur. La question qui se pose est de savoir si nous devons avoir peur de cette peur. Pas nécessairement. Car la peur n’équivaut pas à la panique. Elle ne conduit pas nécessairement à un comportement irrationnel. Au contraire, la peur peut nous aider à focaliser notre attention sur la menace et nous pousser à l’action. Or, c’est maintenant le moment de passer à l’action et de faire preuve d’initiative ainsi que de solidarité. Et la peur peut être un allié et non un ennemi pour faire face à la présente menace pour l’humanité. Dans l’espoir que nous pourrons éviter le pire.
Christine Tappolet (Université de Montréal)
Acknowledgements / Remerciements
Thanks to Peter Dietsch and to Hannah Carnegy-Arbuthnott for helpful comments. / Merci à Peter Dietsch, à Hannah Carnegy-Arbuthnott pour leurs commentaires utiles et à Alain Goudreau et à Valéry Giroux pour la traduction.
Reference / Référence
Roussel, Y., Giraud-Gatineau A., Jimeno M.T., Rolain J,M., Zandotti C., Colson P., Raoult D., “SARS-CoV-2: fear versus data”, Int J Antimicrob Agents, 2020 Mar 19.