American Apparel, une réussite en matière de RSE ou un contre-exemple?

Lundi le 22 janvier 2007, par Dominic Martin

La compagnie American Apparel fera son entrée en bourse dans les prochains mois. Cette entreprise fondée par un montréalais est un sujet de réflexion fort stimulant pour deux raisons. Primo, elle s’est démarquée par son souci de faire la promotion de pratiques commerciales responsables. Secundo, cela ne l’a pas empêchée de développer un modèle d’affaire rentable et fonctionnel dans une industrie très compétitive. (Cela dit sous toute réserve, on aura une idée plus précise de la santé financière de la compagnie lorsqu’elle fera son entrée en bourse cet été.)

Le PDG de l’entreprise, Dov Charney, est en grande partie responsable de ce succès. Il est reconnu (ou connu, c’est selon) pour avoir accompli un certain nombre de choses (ou d’excentricités, c’est selon) :
-*Avoir réussi à faire de l’argent en vendant des t-shirts, ce qui n’est déjà pas rien;
-*Avoir réussi à innover en créant des t-shirts d’un style nouveau (et ensuite toute une gamme de vêtements simples en coton) dans un marché où l’on croyait que ce genre de produit ne pouvait pas être amélioré;
-*Réussir à produire une quantité astronomique de marchandise avec des infrastructures et un nombre d’employés relativement limité;
-*Pratiquer une forme de gestion responsable en offrant des conditions de travail supérieures dans un milieu où ce sont souvent les lois du sweatshop qui prévalent. Par exemple, des avantages sociaux et des salaires moyens qui sont parfois le double de leur équivalent dans le marché américain;
-*Des pratiques de management pour le moins originales où il est lui-même au centre d’un grand nombre de décisions administratives de son entreprise, peu importe le palier où ces décisions se prennent.

Dov, comme il aime bien qu’on l’appelle, peut téléphoner en personne à des gérants de boutique à Montréal pour leur demander d’augmenter leur performance, avant de baisser ses pantalons et aller essayer des vêtements de la nouvelle collection. Sa vie est intimement fusionnée à son entreprise, 24 heures sur 24, 365 jours par année.

-*Faire reposer la force de sa marque sur son style de vie et son image personnelle;
-*Alimenter sa publicité en titillant une certaine fibre sexuelle chez les consommateurs, mais aussi un certain climat, sensuel disons, dans sa propre entreprise (le bon PDG a fait face à 4 poursuites pour harcèlement sexuel, et il est réputé pour utiliser ses propres employés, sinon lui-même, comme mannequins dans ses publicités).

M. Charney affirme qu’il est un capitaliste responsable. Il nous dit que sa compagnie montre que l’on peut concilier impératifs économiques ou recherche du profit et bonnes conditions de travail. American Apparel est un exemple de la possibilité de cette réussite, certes, mais elle en montre aussi toute la difficulté.

Dov Charney n’est pas un homme du commun alors que bien des PDG le sont. Pour réussir à atteindre ce double objectif, les gestionnaires doivent-ils se transformer en des hyperactifs excentriques qui vivent en symbiose avec leur entreprise (et parfois leurs employés) en combinant, dans un mélange explosif, pulsions sexuelles, créativité et management?