
“Abolition du genre et préfigurations féministes”
New article by Lila Braunschweig (Utrecht University) entitled “Abolition du genre et préfigurations féministes” published in the Revue française de science politique.
Summary
La thèse de l’abolition du genre occupe dans la réception des théories féministes matérialistes et radicales une place paradoxale. Comme l’écrit Christine Delphy, « le but du féminisme radical » est « un monde où les classes de sexe n’existeraient plus ». Le combat féministe vise ainsi non seulement l’égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi l’abolition complète des différences de genre. C. Delphy avance même, non sans ironie, que si de nombreuses féministes reconnaissent le lien intrinsèque entre la différence de genre et l’oppression de femmes, seules les féministes matérialistes admettent la possibilité qu’on ne se défasse pas de la seconde sans perdre aussi la première. En ce qui concerne les « désirs », « le futur » et les « utopies », écrit-elle, « personne ne veut de la hiérarchie, mais peu sont prêtes à admettre que la conséquence logique de ce refus est le refus des rôles sexuels et la disparition du genre ». Or, malgré un regain d’intérêt dans le champ français des études féministes pour l’approche matérialiste et l’héritage critique de C. Delphy, Colette Guillaumin ou Monique Wittig, « le scénario de l’abolition » a peu fait l’objet de reprises et de commentaires, relégué sans doute aux statuts d’utopie politique déchue ou de récit téléologique passé de mode.
Cet article entend prendre au sérieux la proposition abolitionniste afin, d’abord, d’en reconstruire la logique argumentative, d’en souligner l’intérêt politique et philosophique et d’en défendre la pertinence contre l’idée répandue selon laquelle elle équivaut à un projet assimilationniste impliquant l’alignement des femmes sur une norme masculine…