Philip Pettit

Le néo-républicanisme et la tentation perfectionniste

Quand :
10 septembre 2013 @ 12:00 – 13:30
2013-09-10T12:00:00-04:00
2013-09-10T13:30:00-04:00
Où :
Salle 309 CRÉUM
2910 Boulevard Edouard-Montpetit
Université de Montréal, Montréal, QC H3T
Canada

Dans le cadre des midis de l’éthique du CRÉUM, Jérémie Duhamel nous présentera ses travaux sur le thème: « Le né0-républicanisme et la tentation perfectionniste ».

Voici un résumé de sa communication (le texte complet de la présentation est disponible sur demande – veuillez vous adresser à Valéry, valery.giroux@umontreal.ca):

Dans cette communication, je me propose d’explorer les tenants et aboutissants de l’approche néo-républicaine des vertus civiques. En particulier, il s’agira d’interroger la manière dont se pose le problème de la formation de ces aptitudes, compétences et capacités des citoyen(ne)s qui ont pour vocation de soutenir les biens communs de la liberté, de l’égalité et de la solidarité. Je m’efforcerai de répondre à la question suivante : est-ce que les théories néo-républicaines sont porteuses des ressources suffisantes pour assurer le développement des vertus nécessaires à la formation et à la conservation des institutions républicaines?

Susceptible d’instrumentalisations jugées potentiellement délétères, la référence à la vertu suscite une méfiance quasi systématique chez la plupart des philosophes politiques contemporains. Cette méfiance ne s’accompagne pas pour autant du rejet de la catégorie de vertu : le besoin de vertu est reconnu et accrédité non seulement par les auteurs néo-républicains, mais encore par une bonne part des penseurs libéraux contemporains. La problématique qui va m’occuper est moins celle de la justification du besoin de vertus en démocratie que celle des conditions de leur formation dans un contexte caractérisé par le fait du pluralisme. Comment penser les conditions de développement de ces vertus pour qu’elles puissent soutenir les institutions de la justice sans porter atteinte à l’égale liberté des individus ? Quels sont les incitatifs institutionnels qui sont compatibles avec le pluralisme axiologique? À quel type de justification doivent-ils être associés pour s’accorder avec cette exigence?

Pour répondre à ces questions, je voudrais prendre comme fil conducteur la théorie républicaine de Philip Pettit. Dans sa reformulation du projet républicain, il s’est employé à expurger la catégorie de vertu des prémisses anthropologiques qui tendaient à légitimer ses dérives moralisatrices, paternalistes et perfectionnistes. De nombreux critiques ont cependant souligné la difficulté de la théorie de Pettit à fournir les ressources, motivationnelles notamment, nécessaires au développement des vertus dont dépendent la qualité et la viabilité des institutions qu’il appelle de ses vœux. Pour certains d’entre eux, ce n’est qu’à condition d’assumer ses valeurs distinctives et en donnant les moyens à l’État d’en faire la promotion que le républicanisme peut espérer accomplir son projet politique. C’est à la lumière de ces critiques que je voudrais explorer et évaluer la théorie de Pettit.

Mon hypothèse est que son républicanisme est porteur des ressources nécessaires pour se prémunir contre les mésusages du langage de la vertu, ce que ses détracteurs échouent à garantir, mais que son approche institutionnelle gagnerait à être plus attentive aux conditions d’exercice de la liberté dans les différentes sphères de la société civile. Pour être entièrement satisfaisante, la théorie de Pettit doit donc moins chercher à enrichir, c’est-à-dire à rendre plus robuste et exigeant, l’idéal moral que l’État a pour mission de défendre que de favoriser l’expérience démocratique de la non-domination dans des contextes de coopération variés, accessibles et, pour ainsi dire, ordinaires. Autrement dit, pour que le républicanisme soit à la hauteur de ses propres exigences, il doit endosser ce que Christian Nadeau appelle le « perfectionnisme institutionnel »[1] et s’attacher à l’étendre aux différents champs de la citoyenneté.

Dans un premier temps, je vais présenter brièvement les principaux aspects de l’inflexion que Pettit a fait subir au langage républicain de la vertu. La suite de ma réflexion sera consacrée à deux critiques d’inspiration perfectionniste qui ont été opposées à Pettit : celle de Paul Weithman[2] et celle de John Maynor[3]. Je les présenterai tour à tour, et donnerai chaque fois le droit de réplique à Pettit, en cherchant à identifier les ressources que recèle sa théorie pour résister à ces objections. Enfin, dans une troisième et dernière partie, je voudrais esquisser quelques compléments qu’il me semble nécessaire d’ajouter à la théorie de Pettit pour que son républicanisme politique soit en mesure de favoriser le développement des vertus civiques dont dépendent les institutions qu’il a en vue.



[1] Christian Nadeau, « Démocratie de contestation et perfectionnisme institutionnel », dans Hourya Benthouami et Christophe Miqueu (dir.), Conflits et démocratie. Quel nouvel espace public?, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 163-176.

[2] Paul Weithman, « Political Republicanism and Perfectionist Republicanism », The Review of Politics, vol. 66, 2004/2, p. 285-312.

[3] John W. Maynor, Republicanism in the Modern World, Cambridge, Polity Press, 2003.

 

Source de la photo.